Centre d'accueil pour enfants orphelins

Dans la région de Pondichéry (district de Pondichéry et état du Tamil Nadu) un centre d'accueil pour enfants abandonnés a été créé en 1991 par une jeune indienne. Une première maison a été établie pour héberger des garçons dans les faubourgs de Pondichéry. En 2009, une deuxième maison a vu le jour pour accueillir des filles dans un village sis au milieu d’une campagne verdoyante. En 2018, un foyer pour enfants gitans, APRES HOME, est intégré au centre.
L’association française Les Orphelins de Pondichéry soutient ce centre depuis 2005.

mardi 27 décembre 2016

Chaos sur la roupie

La lutte contre la corruption, l'argent sale et la fraude fiscale (au plus 3% des indiens paient réellement des impôts, ce qui correspond à un manque à gagner fiscal annuel de plusieurs milliards d'euros) et l'argent sale est certes louable. Néanmoins, des mesures trop rapides, une vision depuis les ministères de Delhi, peut-être un peu trop technocratique, voire la méconnaissance du fonctionnement des familles les plus pauvres ont plongé l'Inde dans une situation chaotique à la mi-novembre 2016.

Dès son arrivée au pouvoir, le Premier Ministre Narendra Modi avait constitué une commission adhoc, placée sous le contrôle de la Cour Suprême, pour lutter contre l'argent dissimulé (Special Investigation Team -SIT- on Black Money).
La lutte a été déployée par diverses actions sur les 2 dernières années, ce qui est sans doute un peu court pour un pays de 1,3 milliards d'habitants, composé majoritairement de population rurale.
  • En aout 2014, est lancée une vaste opération (le Pradhan Mantri Jan Dhan Yojaya -PMJDY-) offrant l'accès à la création de comptes bancaires avec un accès facilité à toutes opérations financières, d'assurances, de crédit, etc. Transactions, transferts, consultations, ... devaient être accessibles par tous moyens modernes de communication. Cette opération a effectivement vu un nombre considérable d'ouverture de comptes allant jusqu'à faire figurer cet engouement dans le livre Guiness des Records puisque le jour d'ouverture de l'opération, 15 millions de comptes en banque  ont été ouverts, sous cette nouvelle réglementation. À l'heure actuelle, 254.5 millions de comptes ont été ouverts. Si cette opération semble largement suivie, elle n'a cependant pas toujours touché les familles parmi les plus pauvres du pays.
  • S'ensuit en avril 2015, avec une fin programmée en septembre 2015, une opération pour ramener l'argent noir placé dans des pays étrangers et divers paradis fiscaux sous un régime provisoire de pénalités. Une première opération d'amnistie a été conduite sans grand succès. Environ  652 milliards de roupies (environ 9 milliards d'€) ont été déclarées, ne représentant sans doute qu'une faible partie de la totalité des transactions. Une autre opération d'amnistie est prévue.
  • Les décisions suivantes portent sur la mise en place de taxes, en particulier sur les transactions en liquide.
L'objectif de toutes ces opérations est clair : doter l'Inde d'un système financier propre et transparent. Il est vrai qu'on part de loin dans ce domaine.

C'est dans ce climat que la bombe a éclaté. Le 8 novembre 2016, le Premier Ministre Narendra Modi a annoncé vers 20h avec prise d'effet à minuit le même jour, la démonétisation de tous les billets de 500 et 1000 roupies (un peu moins de 7 et 14 €) soit 24 milliard de billets  ! Le programme prévoit de nouveaux billets de 500 et 2000 roupies.


Les citoyens ont été autorisés à rapporter ces billets pour les déposer sur leur compte lorsqu'ils en avaient ouverts un (au moins 20% des indiens n'ont pas de compte bancaire) ou pour les échanger. L’échange des anciens billets n’est plus possible à compter du 24 novembre.Au-delà de cette date et jusqu'au 31 mars 2017, l'échange restera possible mais dans des conditions et sous des contraintes complexes (somme limitée, photocopie de la carte d'identité alors que un fort pourcentage de la population indienne n'en possède pas). Tout habitué de l'Inde imagine sans peine comment dans cette situation d'urgence, les files d'attente sont devenues rapidement monstrueuses dans les banques. Bien entendu, les responsables de l'opération ont sous estimé le nombre de billets nécessaires et plusieurs banques ont du fermer faute de liquidités pour satisfaire toutes les demandes. Les distributeurs de billets ont été arrêtés pendant 2 jours. Lorsqu'ils ont été remis en service, la plupart n'étaient pas techniquement prévus pour délivrer les nouveaux billets dont le format a été modifié. L’économie s’est figée alors que des millions de personnes faisaient la queue pour procéder à l’échange.
L'Inde est un pays riche,  mais la majorité de la population reste pauvre. Le revenu annuel moyen par habitant est d’environ 1 600 dollars avec une importante classe moyenne estimée à 300 millions de personnes bénéficiant d'un revenu moyen annuel d’environ 7 000 dollars, tandis qu'un milliard de personnes gagnent seulement en moyenne 600 dollars par an. Il n'est donc pas surprenant que ces derniers n'utilisent que des espèces. Ce sont eux qui ont été touchés en profondeur par la réforme.
L’incertitude économique, conséquence de cette opération, a entraîné une fuite de capitaux étrangers, contribuant à une chute de la roupie, qui a atteint un plus bas record face au dollar.

Dégâts collatéraux :les touristes individuels de passage en Inde se sont trouvés devant la difficultés de se procurer des devises locales et le site de l'Ambassade de France les encourageait à payer par carte de crédit (peu pratique pour acheter un samosa dans la rue ou payer son rickshaw), sous forme de devises étrangères (un peu contraire au but recherché du gouvernement de lutter contre la fraude) ou de se faire envoyer de l'argent, par exemple, via Western Union (dont les caisses locales devaient être aussi vides que les caisses des banques).


Lors de mon dernier passage à Pondichéry, Alice m'avait déjà fait part des problèmes auxquels étaient confrontées les structures, comme Vudhavi Karangal, qui fonctionnent essentiellement avec de l'argent provenant de l'étranger. Le gouvernement ne fait pas de différence entre l'aide à un orphelinat et le commerce souterrain : il lui est de plus en plus en plus difficile de recevoir les dons de l'étranger sans payer des taxes excessives ou de payer en liquide les travaux réalisés dans les deux maisons. Ne serait-il pas plus utile au gouvernement de traquer les fausses associations, écrans de l'argent sale plutôt que de pénaliser toutes les initiatives humanitaires ?

Françoise Simonot-Lion, 27 décembre 2016










lundi 26 décembre 2016

Des scouts de Nancy à Vudhavi Karangal en été 2016

Nous sommes sept scouts-compagnons, quatre garçons et trois filles, de 18 à 20 ans appartenant au Groupe Notre-Dame de Lourdes de la XI ième de Nancy. Nous sommes partis pendant un mois cet été du 18 juillet jusqu'au 16 août 2016 en stage de solidarité internationale en Inde du Sud, plus précisément à Pondichéry, ancien comptoir français dans le Tamil Nadu.
C'est avec grand plaisir que nous voulons témoigner de cette magnifique expérience vécue à Vudhavi Karangal comptant deux orphelinats de 130 garçons et 84 filles âgés de 4 à 25 ans.
Après avoir trouvé notre destination sur Internet grâce aux sites des "Enfants des Rues de Pondichéry" et de l'antenne de Nancy des "Orphelins de Pondichéry", nous nous sommes réunis de nombreuses fois au cours de l'année 2015-2016 pour élaborer notre projet. Pour le financer nous avons fait des extra-jobs (emballage cadeaux pour les fêtes, services aux mariages, ventes de gâteaux et création d'un site de dons kisskissbankbank).

Enfin prêts pour le départ nous avons effectué un vol de 12h, Francfort Chennai, avec une escale dans le sultanat d'Oman. Arrivés à Pondichéry nous nous sommes installés dans une chambre pour sept dans la guesthouse qui sera notre lieu de résidence durant tout notre séjour.
Dès le lendemain nous avons fait la connaissance d'Alice, fondatrice de Vudhavi Karangal qui nous a accueillis très chaleureusement. Ensuite nous avons découvert les lieux et leurs pensionnaires. Une grande maison Tamoule entourée d'un jardin accueillait les filles. A quelques kilomètres de là, un bâtiment de trois étages était destiné aux garçons.
Très vite nous avons fait connaissance avec les jeunes en échangeant en anglais. Tous semblaient heureux de nous voir. Nous étions rassurés et prêts à passer un mois en leur compagnie !


Une journée type se déroulait de la façon suivante :
  • Matin : travaux divers dans le bâtiment en construction destiné aux plus grands (peinture, ponçage de grilles, aide à la maçonnerie). Tous ces travaux, effectués dans la bonne humeur étaient supervisés par le mari d'Alice, Maran, qui nous guidait de ses bons conseils.
  • Déjeuner sur place
  • Après-midi : Jeux partagés avec les enfants à leur retour de l'école et aide à la préparation du repas du soir.



Les moments que nous préférions étaient ceux où nous étions en contact direct avec les jeunes et où nous avions plaisir à partager leurs activités : atelier dessin, musique, danse. C 'était un vrai bonheur de les observer et de voir combien ils étaient sérieux, concentrés lors de ces réalisations. Nous aimions aussi les voir se détendre en courant dans la cour après les poules, le chien ou le chat ! Nous leur avons appris des chants et des jeux scouts.


Ce qui nous a surpris c'est de constater qu'ils étaient très disciplinés lors notamment des repas qu'ils allaient prendre dans l'ordre, rang par rang sans bousculade. Ils récitaient avec grand sérieux une forme de prière en remerciement du repas, ces enfants pouvant être hindous, musulmans ou chrétiens.


Quand nous arrivions le matin à l’orphelinat et en repartions le soir ils se précipitaient vers nous pour nous saluer et nous étions extrêmement touchés par leurs sourires et leur enthousiasme.

Les quatre derniers jours de notre projet nous sommes partis à la découverte des villes proches de Pondichéry et nous avons pu admirer les temples hindous et leurs sculptures très pittoresques, comme ceux de Chidambaram (Temple Thillai Nataraja) ou de Thanjavur (Temple de Brihadesvara).
De retour à l'orphelinat nous avons participé le 15 août à la fête de l'Indépendance qui a donné lieu à de multiples réjouissances (danses, théâtre, chants). C'était à la fois très gai mais aussi très émouvant pour nous, en particulier quand Alice a prononcé le discours de remerciement qui nous était destiné. Beaucoup d'entre nous n'ont pu retenir leurs larmes tant nous étions tristes de quitter cette grande famille qui nous avait accueillis avec tant de chaleur.


Cette expérience sera pour nous très marquante. Nous n'oublierons jamais les visages souriants de ces enfants pourtant si éprouvés par la vie qui ont su nous donner leur confiance et étaient tellement heureux de partager leur quotidien avec nous.
Nous sommes admiratifs devant la force et le courage d'Alice et Maran qui avec tant de conviction et d'amour parviennent à redonner à ces enfants l'espoir d'une vie où ils pourront se réaliser au mieux de leurs espérances.
Nous avons aussi beaucoup d'estime pour tous ceux, qui en France, comme Agnès, Françoise, Michel et tant d'autres, se mobilisent avec constance et efficacité pour soutenir cette si belle action au service des enfants.
                                                                                                                      
Marie-Ly

Nos activités en 2016

Tout au long de l'année 2016, l'antenne de Nancy des Orphelins de Pondichéry a témoigné de la vie des enfants à Vudhavi Karangal et présenté les projets en cours lors de plusieurs manifestations : au mois de mai, nous étions au Centre Inria Nancy - Grand Est, puis au Zonta-Club de Nancy ; en juin, nous avons été accueillis par l'association Compostelle-Cordoue, à Sierres, dans le Valais Suisse ; en juillet, une présentation de Vudhavi Karangal et démonstration de danse indienne ont été organisées lors de la fête pour le départ en retraite d'Agnès Volpi à l'ESSTIN ; en automne, nous avons participé aux marchés de Noël de l'Université de Lorraine (Faculté des Sciences, Faculté de Médecine) ; comme chaque année, à la fin novembre, notre stand a illuminé de ses couleurs le Marché du Monde Solidaire au Conseil Départemental de Meurthe et Moselle ; enfin, nous avons participé à un marché de Noël, organisé par l'association les Sans-sous à Roches les Blamont les 10 et 11 décembre 2016.

Au total, c'est plus de 12000 € qui ont été récoltés en dons et ventes diverses de produits indiens. À cette somme s'ajoute une subvention de 3600 € donnée par l'association Talents et Partage en contribution aux frais de construction et équipements de la salle informatique dans la maison des filles à Palayam.

Notre participation aux frais de l'orphelinat s'est répartie ainsi : 2750 € en participation aux réparations de la maison des garçons après les inondations de décembre 2015 (février 2016), 5300 € pour le toit de la salle informatique (février 2016, argent provisionné en 2015), 2600 € pour participation au frais de rentrée des filles (juin 2016), et 4200 € pour les travaux de plomberie et électricité dans la salle informatique (décembre 2016).

Vous pourrez retrouver le détail des activités de l'antenne dans le rapport moral et financier 2017 de l'antenne qui sera publié en janvier 2017.





jeudi 14 juillet 2016

Toute une école d'ingénieurs pour soutenir les Orphelins de Pondichéry

Le 18 juin 2016, lors de la fête du départ en retraite d'Agnès Volpi, après près de vingt ans à l'ESSTIN, école d'ingénieurs de Nancy, ses amis, collègues, étudiants et anciens étudiants ont offert plus de 1000 euros pour soutenir les Orphelins de Pondichéry.  Nous remercions chaleureusement tous ces généreux donateurs qui participent ainsi à l'équipement de la salle informatique pour les filles de l'orphelinat.

mercredi 13 juillet 2016

Une Jeune Nancéienne à Pondichéry

Aurélia, jeune étudiante à Nancy est actuellement à Pondichéry pour travailler à VUDHAVI KARANGAL. Elle nous parlera bientôt de son expérience. Pour l'accueillir, les filles l'ont habillée d'un superbe sari rouge. Une vraie indienne ...



vendredi 24 juin 2016

25 ans d'une belle aventure

Instant précieux, émotion, bonheur. Une larme discrète coule sur le visage d’Alice. Elle est émue et nous le sommes tous, enfants, familles, invités. 

C’est la fin d’une chaude soirée de février.
Il y a 25 ans, Alice créait Vudhavi Karangal et s’engageait pour la vie dans cette aventure. 


Nous sommes dans le préau, décoré avec des banderoles en fête aux couleurs vives, de la maison des garçons pour fêter cet anniversaire qui tombe fort bien en même temps que celui d’Alice. 


Une vraie salle de spectacle a été installée avec jeux de lumières, estrade, sono, etc. Les enfants sont tous là, petits garçons excités, petites filles adorables dans leurs tenues chatoyantes. 

 








La fanfare éclate, c’est le signe : Alice arrive ! La fête commence.



Alors se succèdent à un rythme effréné les numéros de danses, de sketches, de chants auxquels participent de nombreux participants garçons et filles de tous âges. Des applaudissements crépitent, des cris d’encouragement  fusent d’un public qui manifeste avec ferveur et sans réserve leur joie et leur enthousiasme spontané.
Rires joyeux des spectateurs devant des garçons qui, grimés en filles, interprètent des petites pièces de théâtre, excitation de l’assistance lors de la reprise de tubes tamouls, émerveillement devant les gestes gracieux des danseuses.
 

Un hommage à Alice de la part d’une de ses filles nous met de la brume dans les yeux et du sourire au fond du cœur. 
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Et c’est le discours d’Alice qui comme on pouvait s’y attendre nous laisse une belle image de ce qu’elle est : un hymne d’amour pour tous ces enfants, la volonté d’aller vers un monde de bonheur et de fraternité et surtout, une évocation reconnaissante de ceux sans qui elle ne serait pas ce qu’elle est, en particulier de sa Maman qui nous a quittés il y a deux ans et qui était pour Alice un modèle de générosité et, bien sûr, Maran, qui s’est toujours montré un solide soutien dans tous ses projets.


Alice et Maran peuvent être fiers du chemin parcouru depuis 25 ans. Les maisons sont gérées avec une efficacité redoutable, discipline et amour se conjuguent harmonieusement, l’éducation tant scolaire que « familiale » est le maître mot. Plusieurs garçons sont déjà entrés dans la vie active, certains d’entre eux se sont mariés, des garçons et des filles font actuellement des études supérieures et tous ont un avenir. Il n’est pas dans le caractère d’Alice de se reposer sur un bilan, aussi beau soit-il ; elle voit toujours plus loin et tire parti des expériences passées et d’une analyse lucide de l’évolution de la société indien pour tracer de nouveaux projets pour les enfants : une école professionnelle pour les garçons, des activités pour dénouer l’imagination des enfants (bijoux, céramique), un atelier de bougies pour certains enfants qu’il sera difficile d’envoyer travailler à l’extérieur, etc.
La fête est finie. Demain, la vie reprendra normalement son cours à Vudhavi Karangal. Mais que de belles images dans le cœur des enfants.


Françoise Simonot-Lion, Matthieu de Lamarzelle
(crédits photographiques Matthieu de Lamarzelle)

mercredi 22 juin 2016

Vazir nous a quittés

Vazir ne nous attendra plus assis au seuil de sa paillote, cherchant un peu de fraîcheur. Depuis un an, ses yeux tournés vers le ciel, il nous disait qu'il était prêt. Vazir était l'homme d'un syncrétisme religieux étonnant ; musulman par sa naissance, Vazir avait rempli les murs de sa maison d'images de la Kaaba, de la vierge de Velankanni, du Bouddha et de quelques divinités hindoues. Il les connaissait et les respectait.
Vazir est parti loin des douleurs et d'une vie difficile. Vazir est en paix, n'en doutons pas.

Françoise et Mathieu

Récit d'une rencontre avec Vazir.

samedi 20 février 2016

Février 2016 – Après les inondations, la vie reprend à Vudhavi Karangal


Arrivés à Pondichéry la veille, encore tout frémissants de la chaleur qui nous sort de notre hiver français, nous prenons le chemin de Mahatma Gandhi Road pour rendre visite à Alice et Maran. Dans nos poches, près de 2800 € pour les aider à remettre en état la maison des garçons après les inondations qui ont frappé le nord du Tamil Nadu et en particulier tout le territoire de Pondichéry à la fin décembre.
En cette fin d’année 2015, des pluies torrentielles s’abattent sur la région. La ville de Chennai est cernée par les eaux. De nombreux villages sont sinistrés, l’eau traverse les toits, détruit les murs, pénètre dans les maisons. Pour sauver les villages en amont de la rivière Gingee, les autorités ouvrent les barrages en amont de Nonankuppam provoquant la montée des eaux jusqu’à l’embouchure de la rivière qui borde l’orphelinat. À ce déluge tombant du ciel s’ajoute en une nuit la crue de la rivière qui rapidement envahit la cour de la maison des garçons. Alice et Maran, appelés d’urgence pendant la nuit, arrivent sur place immédiatement et trouvent un quartier submergé par l’eau. Ils gagnent à pied la maison des garçons, dans un fleuve de boue qui leur arrive à la taille. Impuissants devant cette eau boueuse qui continue à monter, ils voient l’eau arriver 3 marches avant le réfectoire, puis entrer dans la cuisine juste avant que le niveau ne commence à baisser. Alice et Maran restent jusqu’au matin en attendant que la situation se stabilise. C’est alors l’heure des premiers constats qui ne laissent guère de place au découragement. Immédiatement, il faut mettre sur pied un plan d’action d'urgence afin de sauver ce qui pouvait l’être et surtout préserver les enfants. Les toilettes ont été épargnées de justesse, les dortoirs, la salle à manger et l’atelier n’ont pas été touchés. Par contre, le préau a été submergé et tout ce qu’il contenait est devenu inutilisable (fournitures scolaires, livres, meubles, etc.) Les instruments à percussion utilisés dans la musique carnatique ont été gravement endommagés par l’humidité et doivent être remplacés. En se retirant, l’eau a laissé derrière elle dans la cour une mare de boue qu’il faut évacuer. Pendant 15 jours, il n’y a pas eu d’eau potable dans la maison, ce qui signifie pas de possibilité de faire la cuisine ni de se laver. Alice fait alors appel à d’autres associations pour les repas et la livraison d’eau potable. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école durant ces deux semaines et Alice, en plus de la logistique à mettre en place, des enfants à soigner (5 cas de dengue), a le souci d’occuper les garçons pour leur maintenir une vie aussi normale et aussi structurée que possible (jeux, musique, etc.).
Lors de notre visite en février, la vie avait repris son cours normal et les enfants avaient réintégré l’école. Comme toujours Alice et Maran ont fait face avec efficacité et courage à la situation ; ils en tirent des leçons et étudient actuellement comment protéger la maison de tels problèmes qui, hélas, ne sont pas rares dans cette partie du monde ; ils prévoient notamment de reconstruire rapidement le mur qui sépare le terrain sur lequel se trouve la maison des garçons de la berge de la rivière en creusant, cette fois, des fondations profondes ; la réfection prochaine de la chaussée est programmée par la municipalité et sera complétée au niveau de la maison des garçons par une surélévation de la voirie formant une sorte de dos d'âne au niveau du portail d'entrée, ceci afin de freiner les écoulements lors d'une prochaine crue,
Les inondations en Inde ne sont pas rares. Le changement climatique frappe aussi ce pays : sécheresse catastrophique dans le sud l’Inde, cours d’eau à sec, paysans endettés, moussons irrégulières, et ponctuellement cyclones (souvenons-nous de Thane qui a soufflé sur Pondichéry en 2011 en faisant d’importants dégâts) et pluies torrentielles et meurtrières comme en fin 2015. Une urbanisation mal ou non contrôlée, des réseaux d’assainissement sous dimensionnés, des constructions trop proches  des rivières, tout ceci contribue aussi à la fragilité d’un écosystème déjà soumis à des conditions climatiques  chaotiques.

Françoise Simonot-Lion, Matthieu de Lamarzelle

mercredi 10 février 2016

Mais où est donc passée Lakshmi ?

Lakshmi est l’éléphante du temple Manakula Vinayagar de Pondichéry. Tous les jours, ponctuellement, à 5 heures de l’après-midi, elle sort de sa sieste et arrive, d’un pas royal, afin de prendre place devant l’entrée du temple pour le bonheur des dévots aussi bien que des touristes. Elle reçoit, d’une trompe digne les offrandes (bananes, herbes, roupies), puis d’un mouvement gracieux, enfourne herbes et bananes dans sa gueule ou dépose les roupies dans la main de son mahout. Enfin, avec une certaine componction, elle pose sa trompe, bénédiction suprême, sur la tête du généreux donateur. Oui, je l’avoue, j’aime les éléphants, ces grosses bêtes grises aux petits yeux brillants ; j’aime Lakshmi. Je lui confie toutes mes pièces de une ou deux roupies et à chaque fois,  sans se lasser,  elle me fait la grâce de me bénir d’un coup de trompe gracieux, léger mais néanmoins ferme. Cette année encore, dès mon arrivée, je cours au temple et, là, surprise, point de Lakshmi. Serait-elle en retard ? ou pire, serait-elle malade ? ça lui est déjà arrivé. J’imagine le pire …


Lakshmi, c’est une célébrité à Pondichéry ; ici, tous les jours, on la
décore, on la fait belle, on lui met des bijoux ; le jour de l’indépendance, elle arbore, en guise de maquillage, un drapeau indien peint sur son front. Où est-elle donc passée ?
J’interroge fébrilement des Pondichériens. Et bien, figurez-vous, que Lakshmi est en vacances. Elle le mérite, certes, mais je trouve un peu léger qu’elle l’ait fait alors que j’avais, moi, parcouru près de 10 000 km pour la voir. Lakshmi est en vadrouille donc. Elle est partie retrouver tous ses copains et copines éléphants sacrés des temples du Tamil Nadu, dans un camp de vacances au milieu d’une forêt kéralaise pour une cure de remise en forme. Ils sont tous là-bas avec un pro-gramme d’enfer. Loin de la pollution de la ville, ils se ressourcent. Et, comme dans toute bonne cure, on leur fait un check-up médical. Ils ont droit à une nourriture équilibrée.

Maintenant, c’est menus diététiques et horaires de repas réguliers. Terminé, le grignotage de bananes à toute heure du jour ! Le matin, c’est école pour étudier les nouveautés du métier d’éléphant de temple : prise en trompe des pièces de 5 roupies, apprentissage des langues étrangères pour servir une clientèle de touristes venant du monde entier, remise en mémoire des Dieux de l’Inde, etc. L’après-midi est consacré au sport. Après toute une année à rester sagement immobile devant un temple, ils ont bien besoin de dérouiller leurs articulations et de se refaire de fermes muscles d’éléphants. Et là, ils enchaînent les exercices : extension de la trompe, équilibre sur une jambe, battement des oreilles en rythme, ... Fin de journée, c’est la fête : promenades dans la forêt, chorales de barrissement le soir autour d’un feu de bois, ébauche d’un flirt timide le temps d’un slow … C’est sûr, ce mois va passer très vite mais laissera à tous de merveilleux souvenirs et ils pourront se repasser le film dans leur tête tout au long de cette nouvelle année de service devant les temples.

Françoise Simonot-Lion